Dimanche 4 novembre 01, Samâdhi AM

Il est des matins lourds du pressentiment : cette sensation de n’être pas entier, d’être en quelque part coupé de l’aspiration de son âme, ce sentiment de descendre à nouveau en les passages obligés de la Matière, cette Matière qui ne veut encore pas se laisser perméabiliser de Transparence.
Lourdeur obligée de nos êtres de replonger en ce chaos de l’Obscur, de l’inconscient, passage imposé de la destinée de rencontre à notre être plus vrai. Pourquoi alors cette amertume ? Elle se teinte des mémoires passées, des si longues incertitudes empesées des désirs du corps et de l’idée, cette récurrence, cet atavisme attachés à l’Habitude, cette Compagne de l’humain, jusques à quand ?
Descendre donc en ce goût amer, en cette tristesse, la recevoir comme une Présence d’une Vérité plus grande à attendre. Là, quelque part devant — heureusement qu’il y a un devant qui se puisse témoigner du “jourd’hui’’ — car ce devant est déjà l’aujourd’hui d’après demain et l’être se forge chaque jour davantage d’un peu plus de conscience, cette grande Dame Mère qui nous porte vers nos lendemains plus ensoleillés, plus enluminés.
Ah, cet obscur si attaché à nos basques, que nous aimerions envoyer valdinguer par-delà les univers inconnus, ce connu de l’Infini pourtant, Lui, le ‘TOUT-VIVANT’ le savait puisqu’Il était allé là-bas, jusqu’aux confins de l’Illimité et savait que Tout était à portée de notre main, de notre Désir vrai de nous rencontrer, Infinis en nos propres finis d’apparence. Alors, je vais le regarder autrement, ce petit matin inquiet.

 

Dimanche 4 novembre, Samâdhi PM

Un de ces après-midi de folie.
Un de ces jours d’inoccupation en un temps de vie de désastre. Chaos total, intérieur comme extérieur. Intérieur, une pulsation, une remontée des forces inférieures traversant le centre sexuel de leur violence, pour ne pas dire de leur viol, tout simplement ? Dehors, en dehors de ce corps, l’annonce orageuse, tonnerre et ciel de plomb, préfiguration d’une empathie de désastre à venir. C’est étrange ces coïncidences, ces relations des mondes entre eux, on est si peu attentif à ce qui nous entoure, à ce qui se joue, nous sommes toujours le centre du monde, notre donjon moyenâgeux, encore. C’est ma folie qui déferle, le corps est soumis à cette tension qui le fait suffoquer de ce trop encore si violent ; cela ne finira-t’il donc jamais ?… il est de ces temps de la confrontation auxquels on ne peut échapper, celui-ci en est un, je le sais. Quel est donc ce langage de douleur qui s’exprime là ?… est-ce l’âme qui se cherche un passage, est-ce la bête qui réclame son dû ?… Le corps est tendu comme un arc, un arc à la limite de la rupture, qui suis-je là-dedans ?
Le jeu des forces qui oeuvrent à une alchimie dont nous sommes encore trop souvent les cobayes et non les acteurs actifs et conscients, toujours, encore ! Nous sommes la déclinaison vécue d’une gamme de rencontres à la mesure de notre partition découverte intérieure.
Aujourd’hui, ciel et terre de corps sont traversés et manifestent la puissance d’exultation de la matière livrée à ses bourreaux du jour. Tout cela en une graduation de suffocation intense qui me fait me diriger vers le grand miroir. Miroir de la “réflexion’’ des mondes du visible. Je regardais cet être à l’image réfléchie et plongeais d’intensité aiguë mon regard entre les sourcils, longtemps, si tant tendu de cette force d’ouvrir, d’ouvrir de grâce quelque chose, dévoiler cette énigmatique derrière tant de forces à l’œuvre. Et le visage se fondit en une image confuse, indistincte, faisant disparaître les traits si connus et laissant subitement apparaître un nouveau visage, si net, si précis et tout aussi intense que celui que je me venais de quitter. Il était planté d’une puissance et d’un aplomb stupéfiants, sans être surpris ni véritablement effrayé, son visage était pourtant absolument froid, dur, animé d’aucun sentiment, un visage émacié et déjà assez âgé, au teint clair mais indien (de l’Inde) me sembla-t’il, un de ces visages qui lorsque vous l’avez vu une fois reste gravé pour toujours en la mémoire, un visage aigu, tranchant, mais ce qui le dessinait véritablement était ce regard, ces yeux, d’une fixité hypnotique, d’une puissance de cruauté glacée sans fin ni limite, un être du mal, sans rédemption possible d’un quelconque sentiment de pitié ou autre.
Jamais je n’avais rencontré une telle cruauté, et c’était là en face de moi, en lieu et place de mon visage, sans imagination aucune ! Je soutins ce regard et il disparut pour en laisser apparaître un autre, encore un des ces êtres qui portent le mal, une écriture si tant sans ambiguïté. C’était un être de la déviance et de la jouissance perverse ; il n’y avait pas cette cruauté froide, seulement ce regard brillant d’un plaisir d’attente tordu, une bête du désir de faire souffrir pour la gratuité et la jouissance. Lui aussi disparut pour laisser place à un troisième personnage, de type malais il se peut, celui-ci était un sot, une larve sans caractère très défini qui se devait ronger les os que devaient lui laisser ces deux compères malins ; il n’était pas à craindre véritablement, sauf peut-être pour sa veulerie, il était entraîné du mouvement de ces deux forces précédemment vues. Le quatrième ne laissait rien paraître, presque insignifiant, il était là en fin de comète, presque agréable de par la neutralité de son visage. Ce défilé fini, réapparut le premier être, son regard avait conservé sa fixité hypnotique, un de ces êtres qui ordonnent froidement et qui sont obéis, de ces êtres qui assassinent froidement qui s’oppose à eux, sans un remord, sans un sentiment quelconque ; sa fonction était la cruauté parfaite et irrévocable.
Cela était trop, j’en avais oublié le monde extérieur, je ne sais combien de temps je restais là en face de ces êtres de miroir si présents à mon réel. Je sentis monter de mes profondeurs un appel, un appel pour mettre une fin à cette tension et souffrance, cette suffocation. Cela monta sans que je ne fasse quoi que ce soit, là encore il n’y eut pas à décider, cela décida. J’eus la sensation que cette prière monta directement au ciel et réclama à ce que tout cela finisse et se dissolve ; ce fut exaucé !
A la racine du chakra*(1) inférieur, un disque de lumière blanche s’installa et vibra, dépassant d’une vingtaine de centimètres la circonférence du tronc, et lentement s’éleva traversant tous les chakra les uns après les autres ; chaque strate touchée de ce rayonnement vibra d’une intensité cellulaire incroyable, fut nettoyée millimètre après millimètre, balayage systématique et absolu, et au même moment, je perçus une cataracte de coups de tonnerre, les deux mouvements semblant s’être synchronisés en une scène parfaitement orchestrée de metteur en scène averti. Lorsque le disque arriva à la hauteur de la base de la tête, je crus que j’allais m’évanouir tant la vibration était intense, en fait cela traversa et disparut en l’espace supérieur, ayant fait son œuvre de nettoyage. Dehors l’orage s’était tu et la pluie-délivrance commença à tomber, toutes les forces s’étaient jouées et je me retrouvai face à face avec mon visage, ce porteur des mondes du subtil.
Je les savais pourtant là très proches, parce que révélés, me talonnant depuis quand, pourquoi ?
Êtres liés à ma nature inférieure qui ne veut pas changer, qui ne veut pas faire soumission, traînée lourde et tenace qui se réclama à paraître à ma vision subtile, début d’une connaissance des forces cachées de ces mondes, apprentissage nécessaire du vécu et du vivre en devenir, en nos pas de terre nous sommes suivis et pistés de ces pas du subtil, êtres de mémoires oubliées ou que nous nourrissons de nos réalités maladives de quête.

Chakra : centres d’énergie subtils répartis le long du corps, au nombre fréquemment dénombré de 7 selon la tradition indienne, partant de la racine de la colonne vertébrale jusqu’au sommet du crâne. Il s’agissait ici très certainement d’une montée de koundalinî . (Koundalinî Shakti ou oundalinî (n.f) : lovée à la base de la colonne vertébrale, dans le corps subtil, c’est l’Energie divine en l’homme. Son éveil, recherché dans les yoga traditionnrls, entraîne l’ouverture des différents centres(chakra) de conscience jusqu’au plus élevé, situé au dessus de la tête, là où l’individu s’unit au divin.)

...

– « Qui es-tu ? »
– « Je suis toi. »
– « Que me veux-tu ? »
– « Je suis là pour te guider. »
– « Pourquoi être guidé ? »
– « Parce que ta vie est un labyrinthe et que je Sais ! »
– « Et pourquoi ne sais-je pas ? »
– « Parce que tu as oublié. »
– « Qu’ai-je oublié ? »
– « Qui tu étais et es. »
– « Tu peux me dire ? »
– « Oui, car j’ai fait le chemin. »
– « On se connaît ? »
– « Oui, de tous Temps. »
– « On s’est déjà rencontrés ? »
– « Oui, nous sommes un. »
– « Pourquoi ne t’ai-je pas rencontré plus tôt ? »
– « Tu avais trop d’imagination. »
– « Te verrai-je toujours maintenant ? »
– « Oui, car les temps sont venus. »

La terre est toujours sacrée là où un être se rencontre ; c’est un nouveau lieu du culte.

   
         
 
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