Samedi 17 novembre 01, Samâdhi AM

À Satprem et autres en exil

Mon frère, mon ami, tu es en exil,
Il est de ces exils d’une vie forcée, d’une douleur obligée,
Ce sont épreuves incontournables d’un Dieu à incarner
En les jours pérégrins d’une Terre si tant encore esseulée ;

Il est de Vérités que les hommes ne se peuvent entendre ni percevoir,
Les méandres-spirale de leur oreille en ont entortillé le Sens,
Et il ne reste aux pas nomades de Différence
Que l’âpre-tendre Solitude-Asile de la Certitude incarnée.

Mon frère, mon ami, tu es en exil,
Tu es l’Aimé de Sa Vérité.

...

Samedi 17 novembre 01, Samâdhi PM

Exil,
Exils à nous-mêmes et au monde…
Il y a ces traces de l’Exil qui s’écrivent en la douleurs de nos pas. Cet exil si profond, si hermétiquement encore secret à notre être qui s’“origine’’ en la racine même de la geste de notre âme. Exil à nous-mêmes, exil de l’Oubli, exil de cette plongée forcée en le Dense cru de la Matière, exil d’une perte de Mémoire véritable et essentielle. Nous nous sommes oubliés en quelque part, nous ne retrouvons plus le fil de Vie qui se puisse nous ré-unir, nous relier au Vivant, au Créé. Et sans doute pour la énième fois, sur la corde en tension du Temps, nous tentons en aveugle de reformuler ce lien, nous refilons ce que tant de fois nous avons filé et refilé, nous reformulons d’une magie nouvelle les mondes des tissus oublieux de cet espace apparemment clos de l’habit de notre corporéité. Tout un espace à redécouvrir, à ré-expérimenter, espace d’oubli majeur de cette dimension divine laissée-pour-compte en quelques parts d’un caprice de destin négligent, espace de cet impérieux exigeant qui dirige nos actes et choix de nécessités et de désirs d’un corps qui fait loi.
Cette patiente toile-Pénélope à retisser de nouveau, d’une trame fil-d’or de l’âme, cette trame-étole subtile de l’imputrescible qui traverse les éons et s’élabore chaque fois nouvelle et pourtant déjà enluminée des motifs bronze et argent passés ; c’est ce prodigieux chemin à ré-inventer, à re-contacter en le désir secret de notre être qui se réclame à nouveau de Vie et de Vérité plus grandes encore. Ce lent tissage d’entre fibre-or et nerf-acier, cette singulière alchimie d’un Possible qui s’élabore sur le fil courbe du Temps, nous traversons cependant cet espace d’Incertitude de nos pas menés d’un Hasard pourtant connaissant, nous éprouvons et densifions de Conscience électrum cet exil de l’oubli du Sens, en quête d’une Unité qui se puisse rétablir le Fait de Vie, cet espace-temps de Rencontre qui nous soit re-con-naissance nouvelle et rédemptrice de nos êtres enfin apaisés. Et nous allons les chemins en désir inconnu de retrouvailles, un Désir secret Sait et nous guide, là où nous ne voyons que vide et non-sens, là où nous ne vivons que clivage de désirs trop entiers. Notre exil est à la dimension de nos résistances et du dessein secret d’un dieu comptable de nos écarts du Chemin. Ce lent cheminement, cette patiente ré-appropriation du Sens, cette perméabilité latente, parfois si tant secoués des violents cingles du fouet d’une âme en souffrance ou de la mutinerie des sens en rébellion de trop de tyrannie divine, nous sont le Chemin de la Décantation, du Filtrage, ce lent processus méthodique et irréductible d’une Conscience qui se cherche une substance-base toujours plus souple et ductile, plus réceptrice et responsive, un instrument plus apte à esquisser le nouveau corps d’un Divin à naître.
Cet exil, cette souffrance de ne pas Être encore, est notre lot-héritage à la mesure de ce qui nous anime en les singularités secrètes d’un Divin tout aussi singulier. C’est aussi et encore ce moyen que s’invente la Vie pour s’obliger à se retrouver par-delà les aspirations grandiloquentes de nos petitesses. Cet exil est l’aiguillon secret d’un Dieu qui sépare pour unifier de plus de vérité et de profondeur, qui tranche pour enfin pouvoir Désirer. Cet exil à nous-mêmes, cet espace d’un impossible à vivre vraiment — il se peut même à concevoir — sans doute n’est-il guère d’autres voies que se puisse prendre le Corps de Dieu pour se chercher et s’élaborer de tant d’Oubli et d’Ignorance, sans doute sommes-nous encore trop “emprunts’’ de terre et de sa puissance de subjugation pour envisager une épreuve moins drastique et autre que celle-là, l’exil ne nous serait dès lors qu’une Grâce déguisée sur le temps incertain d’entre deux vies, ce temps de la Reconnaissance, ce temps où le corps et l’âme se peuvent fondre et se tisser intimes sur la trame du Temps, retrouvailles nuptiales de l’Être d’Éternité.
Exil à nous-mêmes, exil à l’autre, exil au monde, en le monde. Nous sommes en nos chemins de Vie en errance-équilibre sur nos propres chemins déjà si peu sûrs, en l’espoir secret d’un lieu-monde en quête parallèle qui se puisse témoigner et nous porter et nous révéler en ce temps-chrysalide du Passage, un lieu de Fraternité et de Reconnaissance en conjugaison-exil d’humanité commune.
Le Divin trace nos sentiers solitaires et établit avec précision sa magie-cartographe des rencontres, et mesure et dimensionne et s’essaie à sa plus belle rencontre singulière, poussant au paroxysme la résistance de sa toile en œuvre à la limite de l’Impossible, en les chemins-frange de la Folie, le lieu-Extase de ses retrouvailles les plus intimes, étole de terre et de ciel portée des vents légers de l’errance d’un exil presque subtil.

   
         
 
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