Mercredi 12 décembre 01, Samâdhi AM

Traversée dangereuse,
Il faut croire qu’il n’est pas d’autre voie possible. C’est un peu comme quelque chose d’un quarante-troisième rugissant ou d’un Cap Horn colère, d’avec ses déferlantes, son vent cinglant et sa terre-rocher si proche, si proche du naufrage. Et pourtant il n’est pas d’autres voies, c’est celle-là qui se court sous la quille de notre dérive si proche de la perdition. Nous ne savons pas exactement quels courant ou alizé malins nous ont menés là ; voie tracée et retracée des étraves fines de la quête, il n’est pas d’autres chemins. La proue s’engage et taille le lourd flanc de la vague et se cherche passage de désir de mers plus sereines et accueillantes. Pourtant cette géographie n’est pas encore le lieu sûr d’une équanimité dorée, il est ces voies de l’humide déferlant et écumant qui se réclament certificat de vérification.
Ce Horn est notre terre-limite, cette frange plein Sud inconnue, c’est là fierté d’équipage de traverser ces furies et de rencontrer de nouveau échelle graduée de sécurité des latitudes, plein Nord. Il est des temps de la Descente vertigineuse plein vent arrière, des temps-prémices de la bataille et de l’Inconnu, ces temps où l’esquif bondit le crêt et s’engouffre en creux insondables, ces temps où vents-rafale et pluie glacée et neige nous plongent en les mondes de solitude et d’anéantissement, ces temps où il n’est nul amarrage possible et conséquent, ces temps où nous sommes ballottés des joies turbulentes d’un jouet de Dieu infant, ces temps où volonté n’est plus que le fantôme d’un désir autre oublié, seule issue possible, tenir ferme roue de barre de mâchoire crispée, plonger en le noir Incertain et traverser ou sombrer, en le choix d’une destinée de notre Inconnaissable.
Le teck de notre coque n’est plus que goutte perdue en océan de colère, nous errons perdus en les vents hurlants tournants, il n’est plus que de se soumettre et garder l’œil fixé sur le compas cardinal.
Il est ces temps d’oubli, même des mers lointaines, il n’est que harcèlement de l’Instant et querelles soudaines, la lutte du ‘passera, passera pas’ le regard porté sur la frange d’écume du rocher blanche, et le souvenir pourtant récurrent d’un ‘déjà vu, déjà connu’, ce goût de sel sur nos barbes mal rasées, ces passages-descentes aux enfers avant que de ne passer dernière rafale et remonter sous le couvert d’une côte abritée déjà ensoleillée.
Il est ces temps de l’Incertain et du fracas, ces temps du gémissement de toute la membrure, ces temps où secondes et heures n’existent plus, le temps seul de s’en remettre à Qui sait, là où nous ne pouvons plus savoir, perdus là-même en l’immensité de Son désir.

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Mercredi 12 décembre 01, Samâdhi PM

Il se veut tout terre, terre rouge de Sienne.
Il se cache derrière le voile de la passion, du désir. Il n’est plus autre contact d’avec Sa réalité dorée, il se devient terre, se fond dans la mouvance creuse du désir ; onde de terre, puissance qui se recrée le monde de Sa survie.
Que se veut-Il ?
Sans doute ce que nous nous choisissons d’être et de devenir, et très certainement encore ce que nous sommes destinés à réaliser. Il est il se peut raccourci, ces temps du condensé, du concentré, ces temps des courses de la quête contre la montre, ces temps de destinées auxquelles on ne se peut déroger ou échapper, il y a Nécessité, nécessité de se couler, de se fluidifier et se mouler en ces corps changeants de la mutation et de la mort à répétition. Il y a là chemin de traverse buissonnier de la solitude imposée, il y a là voie conjuguée de joie et de souffrance mêlées, il y a là mission à peine voilée, il y a là plongée en le Yoga du Créé.
Il est apprentissage de la gamme-partition de la vie, il est des notes pointées et bémols, ces demi-tons pointillés du trop serré, du trop contracté, il est ces temps du silence, ces temps du Souffle et du repli, en attente de “déferlence’’ cascades triples et quadruples croches, vagues des temps précipités de l’action et de réalisations. Il est ces temps du grave qui se délie force brute de résonance Terre, comme une sonde perdue en abysses insondables, il n’est d’autre lumière que ce fil si fin de “reliance’’, quelque part là-haut qui nous guide, si lointain. Nous n’avons d’autre lumière que notre foi, celle sans doute de ne pouvoir faire autrement, plongés en l’aveugle noir de nos inconscientes profondeurs, mus d’un secret dessein que nous poursuivons très incertains. Pourtant nous savons que là-haut le ciel rit, que soleil et étoiles se réjouissent et pétillent, et nous savons que notre âme veille et se réjouit de la venue du demi-ton crépuscule, ange sombre annonciateur d’une aube de lumière et nous pourrons gravir et courir de nouveau les chemins pérégrins connus, montée nouvelle vers des cieux enfin plus certains.
Aujourd’hui il se veut rouge de terre de Sienne, demain nuage bleu de ciel de Dieu.
La terre porte le ciel,
Le ciel soutient la terre.

   
         
 
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