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Dimanche
22 juillet 01, VARANASI,(Bénarès) Un soir d’âme
en arrivée d’Inde
Une Force des mondes, une antique puissance qui se meut de son inertie
profonde, avide du cataclysme de l’Habituel, une Force des mondes
qui ne sait même plus son origine, qui se traîne comme une
langue assoiffée d’apathie, une Force des mondes qui n’ose
même pas se reconnaître des parents légitimes, tant
il y a si longtemps qu’elle ne sait même plus pourquoi elle
est là et s’“élanguit’’ de sa turpitude
basanée des soleils passés et à venir.
Flottement délicieux
et délicat… onde d’une palpitation de lumières
aux nuances nimbées de couleurs, toutes plus légères
et fraîches, une connaissance absolue des mystères qui n’en
sont plus, une radiance de la vérité qui se meut en chaque
état présent, une présence à l’omnipotence
absolue, aucun reflet d’ombre ne coule en ces veines du réel
perpétuel, une pureté sans ambiguïté qui traverse
chaque ruisseau de vie de cette “substantation’’ parfaite,
il n’est d’autre réalité que ceci, cet autre
déjà amorcé en la chute vertigineuse de l’oubli,
quand donc cela était-ce ?
Une discordance légère, à peine perceptible mais
si “entendable’’ ; la vrille d’une once de dysharmonie
qui traverse le bleu outremer, une stridence pour ce monde de pureté
au Son d’Évidence ; le vert lumineux scintillant absorba
dans sa marche rapide cette anicroche et tout se renouvela de cette félicité
qui ne peut qu’être d’éternité. Cette
perception du Vivant en étant, chaque couleur se filait en cette
substance sans limite en tous points de l’Infini. Gouttes pétillantes
de lumières, ruisseaux et fleuves en volutes et spirales se festoyaient
de proximité et de vie, il n’était pas de petit ni
de grand, il n’était qu’une immense armée en
marche de “significences’’ au sens sans tache de l’Harmonie
des mondes. Cela recommença, une fissure de néant traversa
le sens, un goût déjà amer emplit la petite note encore
si fraîche et pure, quelque chose qui fut déjà pressenti
et pourtant si lointain ; un trouble envahit le bleu azur anéanti
de paix et de joie du silence lourd du son tonal de cette immense œuvre
d’un démiurge Tout-Connaissant.
Cet éclair fissura cet espace et toucha l’Inconcevable ;
un germe de négation sembla avoir été semé
en ce chant de connaissance ; un sentiment nouveau émergea de cette
scission, comme déjà le sens connu d’un doute et d’une
mémoire de souffrance pourtant si éteinte et lointaine.
Les filets de lumière s’écartèrent pour laisser
cette étrangeté se pénétrer en le silence
plus lourd d’un instant ; comme une étrangère connue
qui se traverse la foule regardante, elle se faufila sans crainte, en
certitude des pouvoirs du sens de sa quête prédéterminée,
en reconnaissance absolue de sa mission “moissonnante’’.
Les halos de lumières irisées s’affadissaient à
son passage, comme si sa présence happait la mémoire d’une
vie humblement luxuriante de ce réel. Les tissus pourpre-violacé
perçurent sa venue comme si déjà prévenus
d’une onde messagère annonciatrice et s’effacèrent
pour la laisser pénétrer plus avant de son pas inéluctable
; feu du possible d’une négation en ces mondes irisés
d’une Connaissance Une, empathique. Il n’était nulle
pensée, il n’était nul obstacle au Réel de
se sentir et de se percevoir comme la Vérité pure et blanche
lumineuse. Cette pénétration en ces mondes était
comme un viol inéluctable pourtant accepté, comme une infamie
tolérée, voire comme l’annonce d’une destinée
incontournable. En la gamme chromatique de ces “lumines’’
entités elle se glissait en certitude, en germe porteuse de l’“autreté’’
inconciliable, et pourtant en prémisses, réelle. Cette incision
au cœur même de ces mondes alla jusqu’en l’essence
même du principe de lumière, et s’arrêta là,
en le silence du Temps éternel. Ce fut comme le temps d’un
instant qui se serait pu être éternité, ce fut comme
le mystère d’une alchimie impossible et inimaginable qui
se réalisa, là.
Tout était
silence du silence ; la Question était là brûlante
du fait, une annonce faite en l’attente d’une réponse
sans mot, messagère mariale, cet obscur “incis’’
en le sanctuaire du Tout-Vrai se tint là, silencieux et patient
et droit en son acte messager, pleinement conscient de son intrusion attendue
et violente, impérieux et cependant sans équivoque. Ces
ondes de silence parlèrent le Langage du Fait, se firent réceptrices
de la venue et connaissaient la Loi.
Des spirales de lumière siégèrent tournoyant dans
l’espace sans temps et sans l’once d’une quelconque
relâche, se définirent un foyer qui se réduisit en
un point vibrant de palpitation, l’élu du sacrifice de l’Instant,
le Porteur du Fait, l’inéluctable destinée de l’âme.
Au centre de cette circonvolution, choisie du destin d’un Créateur
Tout-Faisant, elle perçut en la venue de cette étrangère
d’un déjà antérieur si familier, le goût
amer de la non-vie à l’âpre réminiscence de
mort. Il n’était rien qui ne fut décidé qui
ne se dût de se réaliser ; Cela était inscrit sur
les tables de la vie de Lumière, cela est un fait qui ne se pouvait
être dérogé, seul ce goût de terre s’insinua
sur la langue de la vibration et troubla le silence palpitant ; l’Ordre
de l’Instant était venu, intense, immuable et sans appel.
La destinée était en marche, messagère “Karmique’’
de l’Inéluctable, le Destin se faisait prince et quémandeur,
le Temps son frère, s’accorda à sa volonté.
L’âme frappée de cette Nécessité, se
sentit pénétrée d’une onde sourde, à
la sensation d’une vague des grandes profondeurs qui se remonterait
des abysses noires du néant et falsifia le regard de lumière
et de paix. Les temps étaient en marche, le choix était
fait, l’énoncé d’un pacte ancien formulé
tant avant, l’ignorance aveugle d’un Inaccompli jadis sur
les rives d’un fleuve d’eau et de terre. L’âme
savait, cette particule d’essence pure du Blanc le plus fluide savait
de tout temps qu’elle était la porteuse d’une «
autre chose », d’un Devoir en quelque espace pourtant si opposé
à sa Nature d’être. Elle se savait Une, totalement
une, dans l’accomplissement d’un Impossible, d’un Inconcevable.
Elle se savait Une dans le Deux et ne se pouvait trouver sa complète
béatitude sans unifier ce duel, pourtant si éloigné
encore de Sa réalité.
Particule de lumière en quête d’une “aimance’’
qui lui était si douloureuse à percevoir en réalité
de ses fibres si tant tissées d’or et de cobalt pur. Un frémissement
la parcourut toute entière, déjà avertie en ses fibres
intimes de sa mission au sens diffus ; une joie immense traversa l’amble
de sa Nature, et une douleur tout aussi intense la pénétra
jusques au cœur de son être. Elle se savait l’annonciatrice
d’une Vérité encore plus grande inconnue jusqu’à
ces temps de l’œuvre. Il y avait tant de mémoires enfouies
en les lames de sa brillance, tant d’aspirations vaincues des mondes
de l’Essai, tant de chutes infinies qui se goûtent des feux
d’un enfer de l’Impuissance. Ce goût de terre, ce grain
dérangeant qui crisse encore de son propre cri de la crainte d’un
Impossible toujours manifesté. Sentiment d’une déviance
attachée au pas des ailes, l’Inaccompli.
De sa gloire triste entachée de l’incertitude, elle se laissa
“poroser’’ du sens secret du Devenir, toute “connaissante’’
du Principe. De ce toucher du si lointain venu, elle s’offrit ;
l’impérieuse ambassadrice des mondes quémandeurs se
tenait là, hiératique et présente, sans une once
d’impatience. Elle parla de son langage du silence, attentive à
l’énoncé de sa mission, soucieuse de la perfection
de son dire ; en le silence muet des circonvolutions se dessina un chant
pourpre aux tonalités insoupçonnables, compagnes “silenciées’’
du Rythme qui bat le Monde. Un cœur palpitant de vie sacrificielle
se forgea en cet espace matriciel, moule préfigurant du Chiffre
encore in-décryptable. Les ailes d’irisations flambèrent
des plus hautes intensités, et se fondirent en un Blanc immaculé,
l’offrande mariale faite à l’âme élue.
Une indescriptible Joie pénétra du Sens secret ce geste
; le temps d’une Révélation, le temps d’une
Connaissance absolue, le tracé certifiant d’une Geste, l’Union,
le temps d’une particule de l’Eternel “enjourée’’.
Sur l’éventail des tonalités chromatiques, l’âme
se sentit contacter et vivre chaque nuance comme un rendez-vous secret,
comme recevant de chacune d’elles un signe et enseignement singulier,
comme le langage d’une empathie singulière et porteuse du
Sens — Langage du Blanc le plus vibrant de transparence au Rouge
le plus feu, lourd de résistance de l’approche de l’“Autreté’’,
cet impondérable. Le Temps sembla se fondre et se mouler en une
opacité nouvelle ; les chants du Silence se ternirent d’une
perception d’éclats, de fragmentations de sonorités
d’un monde déjà autre. Pourtant le Langage parlé
était encore vif-argent, rapide et prompt des mémoires proches
rencontrées d’or et d’électrum.
En ce monde des mondes descendants, chaque nuance, chaque particule lumineuse
était Le sens même d’une Interprétation plus
haute, vivante et vibrante. Sur la gamme majeure de cette graduation,
toute infime partie était “vibrance’’ de l’Être
en ses moindres détails, qui se révélait à
la vision ; des plus hautes notes pures où l’indigo spirituel
se fond en le blanc le plus pur jusqu’aux nuances rouges au cœur
lourd d’un feu sourd, l’âme vibrante de sa destinée
contactait et vivait d’empathie secrète l’alchimie
grandiose d’un Démiurge caché derrière son
propre fait. Chaque couleur était le Langage essentiel d’une
entité qui se revêtait de ce manteau immatériel et
lumineux, était la mesure exacte d’un Tout établi,
le Sens même de l’Ordre et de l’Harmonie en les chants
du Silence mélodieux de Dieu.
En cette rencontre sur l’échelle des vivre de l’Être,
une prière originelle sourdait et coulait tel le murmure secret
d’un amour parfait en le silence des mots muets de la compréhension
et se faisait l’infinie compagne irremplaçable de ce chemin
éther, mantra qui se fondaient en une immense et prodigieuse note
tonale, onde de l’Infini en marche de sa propre quête d’être,
inaudible beauté pourtant si emplie du Fait.
Chaque son était une bénédiction qui se penchait
sur le corps de l’âme en marche ; en chaque rencontre se tissait
le langage nouveau d’un enseignement et d’une prière
lourde d’un désir “immémoré’’
; sur ce sentier du Tout, l’âme s’emplissait de cette
mémoire vive, se gorgeait de cette plénitude révélée,
déjà en partie empesée et lourde d’une destinée
pesante et chaque fois plus proche ; de cet immense polychrome aux voix
des chantres et de la connaissance, elle se fit le chemin. Le hiératique
Envoyé, ce quémandeur sombre de l’Ordre, en retrait,
fermait la marche et laissait se refermer sur le passage de son incise
les myriades infinies de nuances aux couleurs soleil et de lune entrouvert
de sa nécessité. L’âme s’en descendit
en les mondes des feux au rouge-acier, ses derniers compagnons-forgerons
de la Lumière déjà “enlourdie’’
des feux de la Matière. Le son se faisait plus dense, s’épaississait,
et même si le OM était encore là vibrant de présence
et pourtant déjà de mémoire, l’épaisseur
gagnait en opacité, en voile. Il y avait là l’absolu
enseignement de toute une création qui se donnait à connaître,
ultime héritage de ces mondes d’une autre nature, d’une
autre réalité. Une sensation d’isolement et de séparation
emplit le cœur troublé de cette flamme et les derniers sens
du Langage se virent bientôt se fondre en un mélange de feu
et de sens, en la mémoire déjà embuée des
langues libres et vives de vérités lointaines. L’âme
s’en vint jusqu’au seuil des portails sombres du feu noir,
alliée encore aux soleils de son pays qui brillaient du feu de
leur propre oubli de félicité, émue de se pouvoir
voir et reconnaître l’“autreté’’,
là où elle se sentait jusqu’alors une, emportée
en les brassées des grandes volutes de l’Univers, en ce pays
où la connaissance EST et n’a pas nécessité
de se savoir.
Ce fut un instant de prière intense, un instant déterminé
du Destin ; en le son lourd des tonalités rougies de terre, l’âme
se sentit si infiniment troublée, comme à l’annonce
et l’approche d’une mort nouvelle intime.
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