Lundi 10 décembre 01, Samâdhi AM

Exil, je suis en Exil Seigneur.
Je suis en Exil de Toi, je me sens coupé de Toi, séparé de Toi. Il est une part de moi qui ne peut se reconnaître, qui ne se peut renoncer à sa propre volonté extrême, je ne puis faire le pont, je ne puis m’unifier, je ne puis ni me fondre ni me fonder en l’Entité UNE, je ne puis te vivre en Totalité.
L’Exil est bien là Seigneur, l’Exil est en ce moi-même qui ne se peut faire “reliance’’ de ses extrêmes. Cette course pérégrine de l’être en les chemins du monde est toute la distance parcourue qui me sépara de Toi et est mesure exacte et rigoureuse des extrêmes qui me divisent encore. Où es-Tu, sinon en cette séparation, ce clivage, cette rupture en quelque part des fils de chaîne ? Il est cette part qui ne se veut abdiquer, qui se réclame dû-imagination, qui ne se veut faire soumission et abandon ; comment être avec Toi Seigneur, comment Te devenir, porteur d’une telle césure, comment ne pas être en exil et courir les chemins incertains de pierre et de terre pour te trouver ?…
Ta loi d’amour implique l’absoluité du geste, Terre et Ciel ne se peuvent trouver Corps qui n’aient été totalement acceptés et reliés de Ta fécondité.
La fine langue de l’âme s’essaie de traduire ce langage subtil en la dualité rustique des basses terres ; il est une ignorance lourde et pesante qui se peuple les mots et les sens, il est des ponts de pierre à bâtir et des ponts de liane à établir pour le passage de la parole missionnée, et tant de mers et fleuves et torrents à franchir. La nature des êtres qui me compose est si tant races et tribus diverses, il est un langage commun à trouver, à inventer pour se tenter cette unité ; nous sommes si fragmentés et parfois si divisés. Il est des îles et il se peut même des continents entiers de l’Exil, ce sont eux Seigneur, si tant perdus en les eaux-océans de l’Inconscient, qui ne se peuvent encore Te vivre, ce sont eux Seigneur, qui ‘me’ séparent de Ta réalité dorée, cette échelle dressée de l’Accompli, cette Incarnation du Sens et du Réel en ce corps-apparence du sens, argile encore humide et fraîche de tendresse de la façon de tes doigts.
Seigneur je suis encore en Exil,
C’est comme Tu veux, Seigneur.

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Auroville est le bouc émissaire de mes impuissances, … pauvre Y. (il s'agit ici de l'auteur)

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Lundi 10 décembre 01, Samâdhi PM

L’orgueil de la Forme.
Cela se doit tomber, comme vieille peau morte qui n’a plus de prise d’avec le vivant, comme quelque chose qui a eu sens et utilité et qui un jour, s’aperçoit qu’elle est toute seule sur son chemin, que le monde a pris autre direction et qu’elle n’a plus de raison de continuer ainsi, autre que son orgueil stupide et absurde de se vouloir encore exister à tout prix.
Pourtant la vie lui accorda le temps de ses spectacles le rôle de vedette toute palpitante de désir, elle eut ses heures de gloire des feux de la rampe et s’imposa même à plus fort et plus faible qu’elle, accordant faveur à qui la courtisait et ignorait ou méprisait de son regard tout hautain les prétendants d’une autre vérité, sans se rendre compte une seconde de sa prétention, se croyant à jamais l’élue du destin.
Elle sut se choisir bon public qui l’adula, l’enjôla et la plaça sur son trône toute palpitante de la gloire et du pouvoir, sans s’imaginer qu’il n’était que le miroir grand teint-séducteur d’elle-même. Le temps traversa, en lutte, triomphe, et défaite commune de la vie, pourtant s’en revenait toujours à chaque tournée, l’œil encore plus lubrique et étincelant, plus vindicative et acharnée, soucieuse de l’importance et du grandiose ridicules de son rôle et destinée, se vantant d’en découdre à jamais à qui s’opposerait. Tyrannique et séduisante à souhait, elle sut, de plus toute effrontée et autoritaire, imposer loi d’acier au peuple et à l’élite et même mener dragée haute au noble seigneur du royaume et à sa reine, l’âme. Il est cependant des temps de la victoire et des temps du déclin, ce porteur inévitable de la défaite et de la fin. Mais toute brillante, hallucinée et éblouie d’elle-même, vivant de sa propre image enluminée des projecteurs couleur de scène, ne s’aperçut nullement que le monde avait changé, que même ses plus zélés admirateurs commençaient à se lasser, voire même à se détourner. Sur sa face douloureuse d’Ignorance les traits se flétrissaient, les rides se creusaient et la beauté du grain velouté de sa séduction de jadis se devenait déjà une légende oubliée ; les pages du Temps avaient œuvré, toute imbue de sa mémoire forgée ne se vit pas faner. Jeu de la perversité, à son passage même les miroirs de la réalité se voilaient, se moquaient et trichaient, et ce en toute impunité !
Elle ne sut ce qui lui arrivait, elle se retrouva sur la scène un jour de pleine gloire d’Ignorance, se cherchant désespérément réplique et spectateurs adulés, ne rencontra que vide et page d’oubli d’un livre de conte déjà fermé.
Les temps avaient changé, la vie s’en était allée, le temps d’une peau-chrysalide … il ne restait plus que vieille peau morte desséchée d’une destinée oubliée que plus personne maintenant même ne remarquait.
Les temps ont bien changé !

   
         
 
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