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Samedi
15 décembre 01, Samâdhi AM
Pouvoir des sens.
Il y a le sens de Terre, ce sensuel qui “permée’’
cette vie de terre. Tout est plein de cela, tout se gorge de cela, ça
suinte, ça appelle, ça mène la Nature grand galop,
ça la bâtit comme cathédrale, ça l’emplit
plein comme église basse romane, ça se cherche résonance
et ça se vit pour soi-même, comme une satisfaction auto-personnelle
quelque peu égoïste.
Ca se prend racine en le corps de la terre, jusqu’en le feu central
de la vie, ça se coule vagues déferlantes de sève
jusqu’en les désirs les plus profonds et ça se vit
comme quelque chose d’une tendresse infinie pour cette bonne volonté
enfant quelque peu ignorante qui se veut faire présent joyeux d’amour
à son parent. Cette appétence du sens, ce goût, cette
saveur, immédiats, cette réponse à l’instant
en l’instant, ce langage enfant balbutiant si tant chargé
de l’intention, qui se choisit natures si singulières de
son expression. Elle est là, elle envahit la scène du vivant,
se fait goût sauvage primitif ou tendre peau, galbe tendu de la
“curve’’ de vie ou son-oiseau, paysage merveilleux de
rêve ou brûlure-soleil, parfum blanc de rose et odeur barbelée
poudre de guerre, elle se cherche, se meut, se court les chemins de ses
territoires circonscrits de ses doigts en tâtonnement de natures
en “vibrance’’, obsédée de sa mission
et obsédante à souhait de son impression. Elle se prend
voies lourdes canal chalands indolents et vifs ruisselets torrents de
montagnes et se cherche matrice de sa naissance, animant le monde de sa
vie, lui donnant forme désir, réjouissance de reconnaissance,
se vivre enfant, envers et contre tout.
Se peut courir les voies rapides et subtiles de la pensée, envoûter
mental, vital et physique, dresser autel magie noire de ses désirs
impérieux titans et plan carte rouge de ses jouissances naines
récurrentes de l’instant, flirts naissants adolescents de
ses rêves passions.
Elle est annonce flatteuse et aguichante, l’accroche-apparence séduisante
premier rôle et premier acte de pièce de théâtre.
Elle s’offre au monde désir primal de l’instant, place
tournante transit de mondes à l’essence plus subtile, elle
est le voile luxurieux de l’apparat cachant réserve discrète
d’humilité, si soucieuse de ne pas imposer.
Elle est enfant-roi gâté qui se joue de ses jouets, se suffisant
à elle-même, heureuse et joyeuse de simplement exister.
Nous la goûtons, l’entendons, la vivons, elle est le dogme
craie blanche sur tableau noir de notre enfance, elle est la thèse-théorème
établie à réaliser et antithèse à démontrer,
elle est l’aide et le frein, elle est l’impulsion et l’obstacle,
elle est le premier-né à renaître, du Sens.
...
Ce matin pour la
première fois, j’ai ressenti une tendresse pour la vie.
...
Samedi 15 décembre
01, Samâdhi PM
Cette lente décantation,
ce philtre de vie sur les tamis du Temps, cette lente reconnaissance,
corps après corps, fibre après fibre, cette lente découverte
du Sens, cet Essentiel qui se cherche par-delà la gamme des désirs
de terre, ce lent cheminement de la compréhension de vie de l’expérience,
cette lente et douloureuse acceptation du fait de Terre, cette argile
encore si lourde humide et si brute esquissée de façon.
Nous sommes sur cette frange, cette lisière sylvestre de l’obscur
et de la plaine plein-soleil. Nous sommes encore corps sauvage sombre
et luxuriant des désirs de Nature primitive, nous avons encore
pour compagnons du quotidien la feuille l’écorce et l’animal,
nous n’avons encore pour abri que le toit de palme et pour couche
litière de fougères, nous n’avons pour ciel que le
rai-soleil qui se cherche fissure et clairière, nos efforts les
plus intenses se sont arrêtés sur les plus hautes branches
de notre propre poids-pesanteur d’Ignorance, les limites de notre
connaissance sont les propres limites de notre territoire, nous avons
même creusé et avons été arrêtés
de par la même roche dure que nos outils de pierre, nous connaissons
les lois immuables de la vie et de la mort, nous nous sommes affranchis
des peurs inutiles et nous sommes “perméés’’
de l’onde serpent et du tigre et de l’éléphant,
nous connaissons poisons et antidotes, maladies et guérisons.
Pourtant il est un chemin que nous n’avons pas encore fait, il est
des peurs et des craintes qui nous harcèlent et nous tenaillent,
des lois antiques que nous nous gardons bien d’enfreindre, celles
qui nous assurent la certitude de notre connaissance, celles qui nous
établissent pérennité d’existence et ordre
établi. Nous sommes heureux ainsi, nos corps se connaissent certitude
des jouissances connues et nos enfants grandiront en reconnaissance.
Pourtant nous sommes là aujourd’hui, en limite de reconnaissance
et d’Inconnu. L’ombre est si tant rassurante, elle couvre
et couve nos désirs de terre sourde les plus ardents et nous pressentons
que les pas allants du Temps nous mènent vers la ligne claire de
notre Ignorance. Il est là parabole de réalité que
nous ne pouvons guère ignorer. Du cœur de la forêt où
sont reliques antiques de nos ancêtres, nos morts se teintent de
plus de lumière et se deviennent plus sereines ; il est là
mystère que notre savoir ne se peut occulter ou nier, nos corps
se cherchent clairière de ciel bleu et rais-soleil. Nos âmes
nous tirent du sommeil de nos nuits des traits intuitifs du rêve
et l’inquiétude se commence à percer la carapace de
notre quiétude d’habitude.
Ces traits nous aveuglent, les yeux de nos cœurs sombres n’y
sont pas habitués, les forces de nos corps y voient leurs morts
prochaines, c’est prophétie ancienne de grands initiés
et pourtant nos pas d’ombre se courent du rêve cette nudité
de lumière. Nos ancêtres ont taillé le cœur de
la forêt, nos enfants s’y peuvent encore y trouver passage
et secret, pourtant ils marchent devant nous et nous laissent déjà
l’ombre de leurs pas en les bois. Nous sommes incertains et troublés,
qu’est donc ce pouvoir que se porte le soleil ?
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