|
À
propos de …
Exil.
Ne nous y trompons pas, des formes que se peut prendre l'exil, il en est
de multiples aux saveurs et spécificités variées
à l’infini de la nature de nos êtres, de nos passés
et de nos devenirs, de Sa création. Ils s’inscrivent même
parfois malicieusement avec justesse ou humour, voire d’avec l’ironie
quasi punitive ou humiliante jusqu’en les géographies physiques
d’un sol d’étrangèreté que nous foulons
sur cette voie de terre comme en les abysses intérins nous séparant
du Divin. De toute façon, à y regarder de plus près,
c’est du pareil au même, cela ne tient qu’à l’amplitude
du regard ou de la vision que nous portons sur nous-mêmes et le
monde, et comme il est le plus souvent limité nous n'en voyons
encore que bien peu ! La route peut parfois nous apparaître sous
bien de multiples aspects fort longue, monotone et, il se peut même,
douloureuse ; il nous est cependant des fois accordé de pouvoir
prendre le raccourci d’un ‘hasard’ plus ou moins bien
intentionné — en tous cas très certainement bien intentionnel,
nous n’en doutons plus aucunement —, grâce qui peut
s’avérer au bout du compte un tantinet paradoxale voire ambiguë
au gré de nos humeurs et de nos états d'âme (ou de
Conscience) du moment et qui nous oblige à attendre le plus gros
des troupes pas toujours particulièrement écoutantes et
réceptives comme nous aimerions que cela le soit au mot d’ordre
du changement et de la lumineuse promesse. Troupes fourbues, parts inaccomplies
de nos êtres, éreintées, aux jambes lourdes et engourdies
de marche forcée — Yoga oblige ! —, troupes que nous
avions laissées somme toute plutôt assez allègrement
en oubli à l’arrière, reconnaissons-le, dans la joie
de notre avancée lumine d’éclaireur si soudain étrangèrement
légère et détachée. Nous avions oublié
que notre mental et notre imagination (entre autres compagnons dissidents
ou mutins du voyage) ont fort vite fait de créer ponts de la virtualité
et du trompe-l’oeil ; il n’en demeure pas moins que la bataille
se gagne cependant le plus souvent fort péniblement comme sur le
front d’une guerre de tranchées par la ténacité
et la pugnacité à opposer à la force contraire adverse,
force adverse comme par hasard réplique quasi exacte et symétrique
de celle que nous lui opposons. Hum !...
Tout le Yoga (Intégral) de Sri Aurobindo s’inscrit dans cette
réalité de l’Être à redevenir ce que
nous ne sommes pas encore, ou peut-être si peu, et pourtant que
Nous sommes très évidemment, à l’origine même
de notre Cellule primordiale. Nous re-balbutions les premiers chiffres
de cette équation fabuleuse à résoudre, nous sommes
si encore séparés de la formule de ce Nous-même, de
ce “LUI” tout court ! Alors nous errons sur les jolis sentiers
buissonniers de cette tout aussi jolie planète aux décors
plus ou moins chatoyants et changeants, en l’attente future et tout
aussi hypothétique de ce qu’un espoir se peut l’être
— d’incertitude ou d’équivoque —, d’une
fusion intime de plans encore apparemment si peu aisément conciliables
et conciliés en vérité, pour tisser cependant sur
le fil trait tillé de nos vies la toile du nouvel ADN d’une
Substance-conscience de Matière nouvelle originelle à venir.
Nous avions pensé, comme bien d’autres très certainement,
que cet Auroville créé par Mère aurait pu et dû
être le Lieu privilégié, idéal, qui nous était
offert ou proposé comme à tout un chacun pour établir
cette Rencontre à Soi-même, pour favoriser ce retour à
l’Unique, que l’axe de tout un chacun là présent
était tendu vers Cela, comme fasciné par le chiffre numineux
du phare tant guetté des navigateurs en incertitude ou perdition
sur les eaux mouvantes d’un monde tout aussi mouvant, mais pour
finir il faut bien en convenir bien peu fréquemment émouvant,
du moins sans doute dans le regard encore insuffisamment vaste et large
qu’il nous est communément accordé de lui porter à
ce jour d’humanité, humanité déjà par
trop bien troublée de faire un choix qui se puisse en être
un, véritable. Autant abattre les cartes de notre jeu dès
maintenant et ne pas épiloguer davantage, ce ne fut pas le cas
de notre expérimentation.
Il nous est très vite apparu que l’Auroville que nous avions
alors contacté n’était que par trop soucieux de se
complaire trop souvent dans le reflet-Narcisse de sa propre image et se
devenait peut-être dès lors hélas en partie, géographie
sacrée de plus sur une carte de l’Inde déjà
bien encombrée. Et que l’Auroville à laquelle nous
rêvions ou aspirions alors n’avait d’autre ailleurs
que désir secret intime d’âme et d’être,
reconnaissance d’avec l’‘être psychique’
pour reprendre la terminologie de Sri Aurobindo. C’est bien à
partir de là que s’origine dès lors des racines de
notre exil sa réalité manifeste, en la différence
même d’une nature d’être et d’aspiration,
là où le mot fraternité n’est pas si aisé
à appliquer ou à formuler effectivement pour peu que l’on
soit quelque peu sincère dans ses relations et porté en
le geste de Dieu. En tout cas, il nous apparaît d'évidence
qu'elle ne peut pas plus s’acquerrir par opportunisme que par héritage
!
Nous pûmes découvrir et expérimenter combien le Pouvoir
en ce lieu se pouvait être présent, puissant, prédateur
et insinuant et s’approprier insidieusement* — *au pire du
moins nous osons l’espérer — la part torse de certains
êtres, et infecter ou enflammer cette blessure secrète que
les êtres ne cessent de titiller le plus souvent inconsciemment
ou négligemment. Nous avions alors cette image qui s’imposait
fréquemment à notre esprit, cette image qu’il fallait
en urgence à Auroville un gigantesque miroir pour que cette cité
se puisse enfin voir dans sa globalité l’état de sa
propre misère ou déviance individuelle et personnelle, son
propre manquement à l’Idéal commun. Un super-baromètre
de l’état d’âme, quoi ! Mais voila, les guides
sont partis laissant les lieux quelque peu en friche à leur propre
destinée de jachère avec des directives un peu trop vastes
et dès lors apparemment contradictoires pour l’étroitesse
réceptive individuelle, c’étaient bien eux qui jusqu’à
lors étaient le miroir-conscience de cette humanité en quête.
Nous rêvions au pouvoir guérisseur de ce que la vision de
cette fabuleuse anamorphose dans son aspect monstrueux et grotesque se
pourrait révéler aux yeux stupéfaits des habitants
de cette cité, si tant héritière et porteuse d’un
Sens dès lors si difficilement supportable et soutenable. Nous
ne supportions plus la ‘galvaude-perroquette’ bien pensante
et fort arrangeante des « Mère a dit…», bref
nous étions déjà autre et ailleurs et renvoyé
par la même occasion au monde, et il y a bien peu à dire
de celui-ci ; hélas, sans doute manquons-nous de simplicité,
nous ne pourrons nous empêcher malgré tout d’en dire
toujours trop, bien que cependant nous ne le connaissions que trop bien
et qu’il ne nous réserve que bien peu de surprises véritables,
en tout cas rarement porteuses du Sens tel que nous le concevons dans
l’esprit du Yoga Intégral !
Nous savons ce que représentent
ces retrouvailles obligées d’avec ce monde (de plus, occidental
!), de même que la confrontation et l’immersion forcées
à cet autre langage, à cet ‘inacceptable’ après
ces séjours d’Inde et ce qu’il faut d’énergie
et de tolérance intérieures pour assumer de façon
très approximative et empirique les conséquences de ces
fracture et ‘séparativité’ dans la nature de
ce fait forcément duelle de l’être inaccompli que nous
sommes encore, pour se réajuster aux règles si restrictives
et contre-naturelles de la ‘survie sociale’ sans pour autant
avoir à se renier, se rogner, se compromettre, de redécouvrir
de même de ce que le mot de “résistance” se peut
vouloir signifier et prendre corps de sens, engendrer et imposer, pour
traverser encore et encore les couches et aspects opaques de ces manques
à ce nous-même (pour ne pas avoir à parler de celui
des autres !) que nous avions sans doute mis nous aussi de côté
— nos troupes, notre troupeau devrions-nous peut-être plutôt
dire — pour retrouver dans ce monde si bouleversé et paradoxalement
démuni en quasi totale errance ontologique et psychique* (nous
éviterons le mot ‘spirituel’ dans ce qu’il se
pourrait évoquer de si différent et d’équivoque
pour chacun) une particule de ce Sens si spécifique de ce Yoga
qui se puisse nous re-contacter, nous ré-axer, nous reformuler,
nous revivifier et nous permettre d’envisager individuellement et
personnellement de confirmer l’espace créateur possible du
témoignage et de la rencontre.
Pourtant, le pouvons-nous encore effectivement ?
*Toujours selon la terminologie de Sri Aurobindo
À propos de…
Le propos ?
Réduire les abîmes de l’exil. Enfin, tenter.
Outre que le Travail se fait bien évidemment avant tout seul et
avec soi-même, établir une ‘reliance’, à
l’autre, et par l’autre bien évidemment à soi-même,
là où c’est encore possible, là où il
est des êtres qui ont ce Quelque chose qui brûle en secret
intime de fond d’être, ce Quelque chose qui aspire à
un renouveau, à prendre le soleil et fleurir, ne serait-ce qu’un
peu, à une vie plus véritable et réelle autre que
cette misère et cette mort latente à crédit que nous
traversons l’échine courbée de par nos étroitesses
et renoncements à nos véritables nous-même en cet
espace de monde, et ce, dans si peu d’espérance et de Vie
véritable et créatrice, Vie qui ne soit pas une survie et
encore moins une sous-vie !
Le propos ?
Se rencontrer et se reconnaître en perméabilité et
empathie secrètes et compatibles de ce qui se pourrait être
un peu de fraternité, fraternité qui ne soit pas qu’un
mot vain déjà bien trop prononcé à la légère
ou galvaudé pour être empli du Sens.
Le propos ?
Permettre à ce ‘tout un chacun’ qui est animé
de ce désir, de témoigner de la nature de son exil ou de
sa Rencontre d’avec Lui-même et de constituer sur cette terre
en peine les foyers disséminés mais réels et sincères
de ce que nous nommerions “une Auroville” intime plus subtile,
cette vacuité d’empreinte de sensibilité au Féminin,
cette part de l’être si délicate et encore et toujours
si peu reconnue de l’extériorité oppressive ignorante,
ignorante même et bien évidemment d’une réalité
autre que ce qu’elle connaît et reconnaît, elle, comme
vérité.
Peut-être aussi, par rebondissement, que cela se devienne un peu
le tain plus vivifiant et révélateur d’un miroir en
lequel Auroville — ou tout au moins certains d’entre ses habitants,
puisque nous nous pouvons faire injure à ceux qui y oeuvrent en
vérité et le plus souvent en silence et il en est tout de
même quelques uns (hélas, pas toujours aux postes-clef !)
— aurait la possibilité de se ‘réfléchir’
pour redevenir ce pour quoi il a été créé
et ne plus avoir à prétendre être aux yeux benoîtement
ébahis d’un public émerveillé de la poudre
aux yeux de belles paroles et d’idéaux dès lors frelatés
(il se peut que la terre ait quelque nombril sans qu’il soit nécessaire
d’y faire trop souvent référence ou préférence
!), mais cela n’est peut-être plus de prime importance, parce
que il est ce “Quelque chose” en marche et que c’est
à chacun dans cette Aventure de se poser avant tout en conscience
d’avec Lui-même et qu’il n’est là nul langage
oiseux, spécieux, fallacieux ou justifiant qui se puisse contrer
cette Réalité.
Sri Aurobindo, Mère, Satprem et d’autres, très certainement
plus anonymes mais forcément sincères, ont foré ou
défriché, forent ou défrichent le Passage. La jungle
a vite fait de reprendre ses droits innés de jungle, l’incise
est étroite et non sans risque ou danger — il n’est
que d’y goûter un peu pour s’en apercevoir —,
il est impérieux de ne pas laisser la trace s’évanouir
et d’étayer autant que se peuvent l’être les
acquis du défrichement et du déchiffrement tant qu’il
nous est accordé ou offert de le faire. Nous proposons entre autres
pour notre part à lecture certains textes nés de cette expérience
vécue en Auroville et au Samâdhi de l’Ashram de Sri
Aurobindo à Pondicherry ( “DHANUSHMAT,
lettres à une Auroville”
& “Sans
doute, une histoire de fraternité”). Nous souhaiterions
que cela ne demeure pas acte par trop individuel et soit peut-être
suivi de contacts et de vos propres réflexions ou écrits
qui témoignent d’une aventure similaire ou autre, tissant
ainsi le liant d’une âme écrite de fraternité
plus ouverte hors les limites d’une géographie circonscrite
et classifiée.
Fraternellement,
le 28 novembre 2005
|
|