SAVITRI ?
Que pouvons-nous en dire qui ne puisse dénaturer
cette Réalité ?
Nous avons eu ce désir, pour échapper à la morosité
et à la frilosité ambiante d’Auroville, de jeter
un coup d’œil sur ces écrits. Nous ne sommes cependant
pas un angliciste averti mais nous essayions alors en ces fin et début
de millénaire de retrouver une bouée (tout autant temporelle
qu’intemporelle) qui nous raccroche à un continent de Sincérité
et de Vie. Nous ne nous sommes pas trompé quand nous y avons
mis le bout du nez, nous avons dû y plonger, nous y immerger tant
l’aspiration devint intense et source de sauvegarde et de reconnaissance.
Nous ne pouvons nous empêcher de donner un petit coup de griffe
(tant pis pour nous !) à ceux qui nous dirent alors : «
mais pourquoi faire une traduction de Savitri s’il en est déjà
une de faite et peut-être même une autre en cours par Satprem,
à quoi ça sert de passer son temps à “cela”
alors qu'il y a tant à faire pour Auroville dans d'autres occupations
bien plus “nécessaires et utiles” ? »
My Lord !... proposerait sans doute en réponse
Sri Aurobindo.
Comment ne pas pouvoir faire la différence entre le “lire”
et le “traduire” ? En fait, nous n’avons jamais été
véritablement intéressé par ces traductions déjà
effectuées (non pas que nous ayons quelque critique particulière
à formuler !) et je ne crois pas que pour le peu que nous en
ayons lu, nous ayons été vraiment touché comme
nous l’avons été par le fait de traduire, tout simplement.
Traduire Savitri, ce fut pour nous entrer dans l’intime secret
de la Vie immergée dans la Substance, ce fut contacter le Sens
par l’invisible, ce fut vivre l’Essentiel modelé
de l’esprit de Sri Aurobindo. Toute l'essence de son expérience
est, aux dires des exégètes qui s’y sont penchés,
entissée dans ces lignes — ce dont nous ne doutons aucunement
—, la poésie ne se peut aucunement être d’évidence
succession de mots flottants dans de belles phrases bien tournées
qui flattent l’esprit, mais la Réalité tangible
et porteuse de Lumière véritable jusqu’en l’intime
de nos substances responsives. L’esprit se peut être tout
à fait tangible pour celui qui le vit à cette dimension,
au même titre que la matérialité de notre existence.
Nous avons gardé de cette expérience le sentiment profond
d’une bénédiction, comme ce mot le formule si justement,
comment cela se pourrait-il être autrement, n’est-ce pas
?
Nous nous sommes aussi aperçu combien nous pouvions par ce fabuleux
moyen nous poser sur les aspects créateurs de notre propre nature
pour exprimer ce qui se pourrait s’appeler notre essentialité,
ce qu’il est de mieux en l’être, pour nous ce fut
très certainement DHANUSHMAT, du
moins est-ce ainsi et là que s’établit aujourd’hui
avec un peu de recul notre reconnaissance à cette Rencontre majeure.
Par là–même en ces jours d’occident, nous sommes
infiniment conscient de notre décalage d'avec cette œuvre
qui ne peut être abordée que dans ce que l’être
et l’âme se peuvent se donner et s’offrir au meilleur
d'eux-mêmes. Sans cela, c’est lettre morte, inerte, fade.
Savitri ne se lit pas comme une belle poésie ni comme une belle
histoire ou légende, elle est source de Vie qui s’insinue
dans les fibres de tous les plans de l’être, jusqu’en
l’intime certitude de la cellule. Pour celui qui n’est pas
dans cette vision quasi sphérique qui se peut englober le tout
en un point, en l'instant, il n’y trouvera sans doute très
certainement que lignes fort bien tournées susceptibles de flatter
intellect et esthétisme, ces compagnons brillants de nos trajectoires
lourdes de terre ; pourquoi pas d’ailleurs ? Inutile d’être
prosélyte, il y en a pour tout le monde et mon dieu qu’il
est complexe et parfois aussi... bien compliqué, dans ses aspects
obscurs encore non révélés ! Il ne faut cependant
pas oublier que le Mental — surtout lorsqu'il est bien poli et
astiqué “nickel-chrome”, tout bel outil qu'il soit
lorsqu'il est utilisé même à bon escient n'en est
et n'en demeure pas moins et tout autant le puissant “forgeur”
de notre étroitesse de vision d'esprit.
Satprem insiste dans sa propre trajectoire et descente cellulaire sur
les multiples sens que se peuvent prendre certains mots traduits de
l'anglais (ex : a spell), aussi par ce même avertissement,
comment traduire un texte si l’on n’est pas dans la juste
mouvance intime de cette Réalité soi-même, comment
prendre une telle responsabilité d’offrir à l’‘autre’
la réduction de sa propre médiocrité — même
la meilleure de ce que nous pouvons lui offrir ! — si l'on a pas
vécu l'expérience qui a présidé à
la formule ? Oser proposer une traduction de Savitri, c’est être
en quelque part Sri Aurobindo lui-même en l'esprit de la propre
nature personnelle et créatrice de celui ou de celle qui traduit,
au degré de Conscience yoguique qu’Il avait atteint lors
ce cette coulée qui s'effectua sur tant et après tant
d'années de Labeur. Nous préférons ne pas prendre
ce risque, nous n’en avons d'ailleurs pas à ce jour la
Mesure.
C’est donc précisément pour cela que nous ne présenterons
pas sur ce site cette traduction que nous avons effectuée avec
autant de bonheur, il nous faudrait être aujourd’hui être
disponible et plonger le Yoga intégralement pour ne pas porter
de déviances à ce qui restera sans doute pour moi un ‘intraduisible’
au sens de l'édition.
Pourtant, comme nous souhaitons à tout un chacun de toucher à
cette Réalité, à cette Expérience, c’est
bien évidemment un Yoga à part entière, n’en
déplaise à certains de ces messieurs bien pensants d’Auroville,
je leur souhaite de tout coeur qu'ils se puissent un jour le reconnaître.